Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 6, 1948.djvu/228

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Paulette, ironique. — Oh ! il n’est pas à moi.

Serge. — Oh ! tu n’as pas besoin de le dire.

Paulette. — Quoi ?

Serge. — Je le sais qu’il n’est pas à toi, et ça pour la bonne raison qu’il est à monsieur Victor Snobinet.

Paulette. — Victor Snobinet ?

Snobinet, même jeu. — Diable !

Serge. — Un infime cabot du Théâtre Sarah Bernhardt.

Snobinet, même jeu. — Qu’est-ce qu’il dit ?

Paulette. — Qu’est-ce que c’est que cette invention ? Snobinet, connais pas

Serge. — En vérité ? Eh ! bien, le pantalon connaît, lui.

Paulette. — Mais où as-tu pris ?…

Serge. — Ah ! bien, n’est-ce pas, on a un pantalon… on ignore à qui il est, alors, pour savoir, on fouille…

Snobinet, même jeu. — Il a barboté dans mes poches ! eh ! bien, c’est ça !

Serge. — C’est comme ça que j’ai trouvé un tas de choses qui m’ont éclairé : un mouchoir sale…

Snobinet, même jeu. — C’est à moi.

Serge. — Un porte-monnaie vide et un portefeuille plein, lui, plein de paperasses et de vieux engagements au nom de Victor Snobinet.

Snobinet, même jeu. — Eh ! bien, il n’est pas gêné, celui-là.

Paulette. — Alors, quoi ! tu crois que je t’ai trompé avec cet homme-là ?

Serge. — Mais je ne sais pas ; je ne demande pas à savoir.

Paulette. — Moi ! moi ! avec un cabot !

Snobinet. — Hein ! elle aussi ! ah ! c’est lâche !

Paulette. — Dis tout de suite que je suis une grue.

Serge. — Mais non, seulement, quoi ! tu as trouvé un gars qui t’a porté aux sens. J’avais le tort de n’être pas là, alors tu t’es offert un petit extra en pensant que je n’en saurais rien,… tu t’es passé un béguin. Eh ! bien, mon Dieu, ça arrive dans le meilleur des mondes.

Paulette. — Oh ! moi ! moi !

Serge, riant. — Ah ! dame, sur l’instant, ça m’a un peu vexé parce que, quand on n’est pas prévenu !… Alors je me suis emballé !… A ce moment-là, j’aurais eu ce Snobinet sous la main, j’aurais été heureux de lui tirer les oreilles.

Snobinet, même jeu. — Ah ! mais, dites donc !

Serge. — J’aurais savouré la joie de lui flanquer mon pied dans le derrière.

Snobinet, même jeu. — Oh ! mais…

Serge. — Seulement, je ne l’ai pas eu sous la main. Tant mieux pour son derrière.

Snobinet, même jeu. — Ah ! il a de la chance que je sois sous la table, sans ça !…

Paulette. — Ah ! Serge ! Serge ! tu me fais mal.

Serge. — Mais ne te fais donc pas de mauvais sang ! Regarde comme je suis calme (Prenant le pantalon.) Vois ! je lui rapporte moi-même son pantalon, à ce cher Snobinet ; on n’est pas plus raisonnable. Maintenant s’il le trouve un peu détérioré, tu lui exprimeras tous mes regrets ; j’étais passablement nerveux tout à l’heure. Alors, quelques mouvements un peu brusques, le pantalon n’y a pas suffisamment résisté… alors, voilà !…

Il passe son poing dans la déchirure du pantalon.

Snobinet, même jeu. — Oh ! en plein fond.