Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 6, 1948.djvu/89

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Camaret, au fond, à gauche. — Ah çà ! qu’est-ce que c’est que ce soldat chauve ?

Champignol, à droite, à l’avant-scène. — Apollon, Apollon lui-même n’y résisterait pas.

Camaret. — Eh ! dites donc, là-bas !

Champignol, gagnant le milieu de la scène. — Mon Capitaine !

Camaret, descendant au n° 2, pendant que Célestin descend au n° 1. — Montrez donc votre tête, vous !

Champignol, ôtant son képi. — Hein ! Croyez-vous.

Camaret. — Quoi ! "Croyez-vous", qu’est-ce que ça veut dire : "croyez-vous" ? Ah ! c’est le loustic !

Champignol, avec fierté et satisfaction. — Ah ! il m’a reconnu !

Camaret. — Qui est-ce qui vous a permis de vous couper les cheveux comme ça, hein ? Est-ce que vous supposez qu’un soldat a le droit de disposer de sa tête pour en faire des boules d’escalier ?

Champignol. — Mais, Capitaine…

Camaret. — Vous me ferez deux jours de salle de police pour vous apprendre à vous rendre grotesque.

Champignol. — Ah ! non ! ça, c’est le bouquet !

Camaret. — Allez, rompez !… Retournez à la chambrée ; vous y resterez, jusqu’à ce que vos cheveux soient repoussés !

Champignol. — Oui, mon Capitaine !… (À part.) Eh bien ! j’en ai pour quelque temps ! Oh ! ils me rendront fou ! ils me rendront fou !… On me fait passer au papier de verre et encore on me colle au bloc !

Il entre dans la première baraque de droite.

Camaret. — Les voilà bien, quand on les laisse à leur initiative, ils ne savent qu’inventer pour se rendre ridicules ! Il passe devant Célestin et va au n° 1.

Angèle, sortant de l’hôtel et parlant à la cantonade. — Oui ! s’il vous plaît, n’est-ce pas ?

Célestin. — Tiens ! madame Champignol !

Angèle, descendant au n° 1. — Pardon, Capitaine, vous ne pourriez pas me dire où je pourrais avoir l’heure des trains ?

Célestin, saluant. — Madame !

Angèle. — Oh ! excusez-moi, monsieur, je ne vous remettais pas…

Camaret. — Mais, Madame, les heures des trains, ils doivent les avoir à l’hôtel !… Vous songez donc à nous quitter ?

Angèle. — Oui, Capitaine,… je rentre ce soir à Paris…

Célestin. — Oh ! Madame ! vous ne pouvez pas retarder votre départ d’un jour… ? Vous nous auriez fait grand plaisir, à ma mère et à nous tous, de venir ce soir à notre bal.

Angèle. — Madame votre mère ?

Camaret. — Eh bien, oui ! madame Rivolet… ma sœur !

Angèle, à part. — C’est sa sœur !

Camaret. — … Qui donne une petite sauterie… justement pour ma fille Adrienne… On doit lui présenter un prétendu… un M. Saint-Florimond !

Angèle, à part. — Saint-Florimond ! Et la fille du capitaine ! Ah ! le malheureux !

Célestin. — Alors, Madame, décidément, vous ne pouvez pas ?

Angèle. — Oh ! non ! impossible ! absolument impossible !

Célestin. — Mille regrets, Madame !