Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/107

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Dardillon. — Oui, monsieur.

Paginet. — Eh bien ! sous Paginet, chevalier de la Légion d’Honneur vous mettrez : Et madame aussi…

Dardillon. — Bien, monsieur. (Il sort par la droite.)

Paginet. — Quant à toi, bébé, puisque toutes ces lettres de félicitations sont pour toi, tiens ! va ! va répondre tout de suite. Il est bon pour ces choses-là de ne pas faire traîner les remerciements !

Madame Paginet. — Oui ! J’y vais !… (sortant par la gauche.) Ah ! mon Dieu !

Scène XI

Paginet, Simone

Paginet. — Ah ! c’est bon de trouver enfin un ministre qui sait reconnaître et récompenser le mérite.

Simone. — Oh ! il ne faut pas être ingrat, mon oncle, monsieur, Plumarel y est aussi pour beaucoup.

Paginet. — Plumarel !… C’est. évident qu’il y est pour beaucoup ; je ne l’oublie pas, va !

Simone. — Dame ! s’il n’avait pas parlé à son oncle, je ne sais pas quand vous auriez été décoré.

Paginet. — Ah ! Tu ne sais pas !… Tu ne sais pas !… C’est beaucoup dire !… je ne l’aurais pas été cette fois-ci, mais je l’aurais été la prochaine fois.

Simone. — Est-ce qu’on sait jamais, mon oncle, tandis que quand on a dans sa poche le neveu d’un ministre, dévoué comme il l’a été.

Paginet. — Ca, c’est vrai !… Je ne saurais trop le dire. Il a été dévoué, très dévoué.

Simone. — N’est-ce pas ? Il n’a pas marchandé ses pas et ses démarches.

Paginet. — Oh ! ça !… non. Maintenant, entre nous, il n’avait pas bien loin à aller !… Un mot de temps en temps dit à son oncle. Au fond, tu sais, ce sont des services qui se rendent tous les jours.

Simone. — Oh ! oh ! mon oncle !

Paginet. — Ce n’est pas pour le diminuer… parce que, Dieu merci, ces choses-là, ne se mesurent pas au poids ; c’est l’intention qui fait tout et il n’aurait pas réussi que je ne lui en voudrais pas plus que maintenant.

Simone. — À la bonne heure, mon oncle !

Paginet. — Et d’ailleurs, je crois que je lui prouve ma reconnaissance en ce donnant à lui.

Simone. — Oh ! ça, c’est très bien. Et vous aurez pour vous l’approbation de tous les honnêtes gens.

Paginet.- — Tu crois ?

Simone. — Si je le crois !… Mais tout le monde dira : (Sur un ton de déclamation.) Vous voyez Plumarel, il a épousé la nièce du docteur Paginet.

Paginet. — Oui.

Simone, même ton. — Et savez-vous pourquoi le docteur Paginet lui a donné sa nièce ?

Paginet, même ton. — Ah ! ah ! vous, ne savez pas pourquoi ?

Simone, même ton. — Parce qu’il n’a pas voulu demeurer en reste avec un homme qui l’avait fait décorer !

Paginet. — Hein ?

Simone. — Voilà ce que dira le monde.