Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/185

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La Duchesse, se levant. — Moi ? Ah ! bien ! plus souvent, par exemple !

Arnold, ahuri, toujours à genoux. — Comment ?

La Duchesse. — Ah ! bien ! je suis bien en train ! Merci !

Arnold. — Mais alors ?… Quoi ?…

La Duchesse. — Mais alors, rien !…

Arnold, se levant. — Ah ! mais ça ne se fait pas, ces choses-là !… Vous m’avez accompagné et quand une femme accompagne un homme !… eh ben !… eh ben !… enfin, il y a des usages, que diable ! il y a des usages.

La Duchesse. — Eh bien ! je les enjambe.

Arnold. — C’est ça ! et vous trouvez que c’est des façons d’agir ! Mais fallait me dire ça avant, j’en aurais pris une autre.

La Duchesse. — Il en aurait pris une autre !

Arnold. — Mais absolument ! Vous me perdez ma soirée !… je ne suis pas de bois, moi !… Ah ! bien, c’est du propre ! quelles mœurs ! (La Duchesse hausse les épaules. Un temps pendant lequel Arnold maussade, ronchonne en dedans, sans trop savoir que faire, puis revenant à la charge.) Voyons, chérie Mimi, ça n’est pas sérieux !

La Duchesse. — Ah ! ben !

Arnold, stupéfiant. — Une fois !… rien qu’une fois ! (La Duchesse fait non de la tête.) T’as tort !… Tu ne sais pas ce que tu refuses !… Moi, tu sais, c’est comme sur les affiches : m’essayer, c’est m’adopter.

La Duchesse, ne pouvant s’empêcher de rire. — T’es bête !

Arnold. — Mais oui, je suis bête !… Mais tu verras, tu verras ! (Voyant la Duchesse qui a le frisson.) Tiens, tu vois, rien que d’y penser tu frissonnes !

La Duchesse. — Moi ? non. Je suis gelée, voilà tout.

Arnold, parcourant la scène comme un homme affolé à cette idée. — Tu es gelée ?… Elle est gelée ! Pauvre petite. Mais c’est vrai, avec ces vêtements mouillés !… Je suis bête de n’y avoir pas pensé. Mais retire ça, retire ta robe, mets-toi à l’aise. Je vais te passer un peignoir à madame.

La Duchesse. — Comment, "à madame" ! t’es marié ?

Arnold. — Hein ?… Oui.

La duchesse, faisant mine de s’en aller. — Oh ! mais alors !…

Arnold. — Euh ! c’est-à-dire non ! . : . c’est… c’est… mon frère.

La Duchesse. — Et ils habitent ici ?

Arnold. — Oui.

La Duchesse, même jeu que précédemment. — Oui ? Oh ! alors !…

Arnold. — Mais non ! mais non, n’aie donc pas peur… Ils habitent, mais ils n’y sont pas,… sans ça, tu penses bien !… Non, non, ils sont nouveaux mariés et en voyage de noces.

La Duchesse, rassurée. — Ah ! bon, je disais, aussi !

Arnold. — Parbleu !… Et alors, c est un peignoir à elle que… Va, enlève ça.

La Duchesse, commençant à se déshabiller. — Ah ! bien, c’est pas de refus !… parce que vraiment, trempée comme je suis ! (Changeant de ton.) Non, mais tout de même, mettre un peignoir à ta belle-sœur, je ne sais vraiment pas si je dois.

Arnold. — Bah ! Tout ça, c’est des conventions, et puis j’irai pas lui dire.

La Duchesse, très femme du monde. — Ecoute, sérieusement, ton frère n’aurait qu’à l’apprendre, il ferait une gueule !…

Arnold. — J’en prends la responsabilité (Avec extase, voyant la Duchesse déshabillée.) Ah ! nom d’un chien ! quelles épaules ! (Il la lutine.)

La Duchesse, se défendant. — Allons ! allons ! voyons !