Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Stanislas, affectant le ton badin. — Le premier mois de mariage, on ne sait jamais,… il y a toujours des chances…

Sabine. — N’importe, si ce n’est que ça !…

Stanislas. — Après tout, il vaut mieux que tu saches tout… d’autant que, somme toute, il n’y a rien là de bien terrible ! N’est-ce pas, Arnold ?

Arnold. — Oh ! rien du tout, Monsieur.

Stanislas. — Eh bien ! cette femme,… c’est même pour ça que nous ne voulions pas que tu entres par là…

Arnold, appuyant. — Oh ! rien que pour ça.

Sabine. — Pour ça, quoi ?

Arnold. — Euh !… euh !… Monsieur va le dire à Madame ?…

Stanislas, qui avait cru un instant à une planche de salut, hausse les épaules vers Arnold. — Eh bien ! voilà…. cette femme… - car l’histoire du gaz, c’était pure imagination - (Riant plus que de raison.) il n’y a jamais eu la moindre fuite, tu sais… N’est-ce pas Arnold ?

Arnold. — Aucune !… Ah ! là ! là !… Pas plus de fuite que dans mon œil.

Sabine. — Bon, bon, cette femme ?

Stanislas. — Eh ! bien, cette femme… (Faisant passer Arnold au 2.) Tenez, expliquez donc ça vous-même à Madame.

Arnold. — Ah ! bon, bon.

Sabine. — Eh ! bien, voyons !…

Stanislas. — Oh ! comme tu es pressée.

Arnold, à part. — Ah ! il trouve, maintenant… ! (Haut.) Eh ! bien, voilà… ! C’est… c’est une femme…

Sabine. — Ah ! oui, ça !…

Arnold. -… une malheureuse femme qui a des crises de somnambulisme.

Sabine. — Non !

Arnold et Stanislas. — Oui ! oui !

Arnold. — Elle est connue pour ça dans le quartier. Et alors, ce matin, tout endormie, selon l’usage des somnambules, dans un simple appareil, elle se promenait le long des gouttières quand je l’ai aperçue, et j’ai profité du moment où elle passait sur le rebord de nos fenêtres pour la happer au passage et éviter ainsi peut-être un accident funeste. Voilà !

Stanislas. — Voilà !

Sabine. — Oh ! mais c’est terrible Vous avez bien fait, Arnold.

Arnold. — C’est alors que Monsieur et Madame sont arrivés et pour ne pas frapper Madame, moi…

Sabine. — Mais on ne peut pas la laisser comme ça. Il faudrait l’éveiller.

Stanislas. — Jamais !… (Eprouvant le besoin de donner une explication à ce cri du cœur.) Jamais éveiller une somnambule.

Arnold. — Jamais !

Sabine. — En tout cas, il faut chercher un médecin. Il saura ce qu’il y a à faire. Vite, courez !…

Stanislas. — Ah tu crois que…

Sabine. — Oui, oui, on n’a pas le droit de laisser son prochain…

Stanislas. — Eh bien ! alors toi, tu vas t’enfermer chez toi, pendant que nous…

Sabine, les poussant vers le fond. — Oui, mais allez ! allez ! ne perdez pas de temps !

Stanislas. — Nous allons ! nous allons !… Venez Arnold. Toi, rentre !

Sabine. — Mais oui, mais oui, allez ! allez ! (Ils sortent. Redescendant.)