Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/219

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folle ! (Avec un rire qui sonne faux.)

La môme Crevette, ma maîtresse, mais est-ce que je la connais, cette femme ?

Sabine, qui est arrivée à l’extrême droite, faisant demi-tour. — A d’autres, je vous prie.

Stanislas, même jeu. — Ah ! bien, elle est bonne, celle-là ! ma maîtresse, la môme, Crevette ! Je ne l’ai jamais vue !

Sur ces dernières paroles, un valet de pied a ouvert la porte de la baie de droite et la Duchesse paraît.

Stanislas, la reconnaissant, — Elle ! Nom d’un chien !

Eperdu, il pivote sur lui-même. et se précipite pour disparaître à gauche.

La Duchesse, à part. — Stanislas !

Sabine, ahurie. — Eh bien ! quoi ? (se retournant du côté de la Duchesse.).La môme Crevette !

La Duchesse, à part, reconnaissant Sabine. — Et sa femme ? (Elle se dirige carrément et le sourire aux lèvres vers Sabine.) Madame ?

Sabine, bondissant. — Vous ! vous ici !… Vous ?

La Duchesse, n’ayant pas l’air de prêter attention à l’apostrophe de Sabine. — Madame Slovitchine, peut-être ?

La Duchesse, très femme du monde, accablant Sabine d’amabilités exagérées, sans lui laisser le temps de placer une parole. A chaque phrase, Sabine a un recul de stupéfaction, et on l’entend répéter à mi-voix, par la suite, la fin de chaque phrase de la Duchesse : "son invitation… Son ambassade… Le Duc…". — Ah ! c’est très aimable à vous, chère Madame, d’avoir bien voulu accepter notre invitation et honorer notre Ambassade de votre présence. C’est toujours une joie pour une maîtresse de maison de pouvoir offrir à ses invités la vue d’une jolie femme et je crois pouvoir dire qu’en cette circonstance, je les gâte. Mon mari, le Duc, sera enchanté de faire votre connaissance. (Appelant Bérézin qui passe au fond dans un groupe.) Monsieur Bérézin.

Bérézin, empressé. — Duchesse !

Sabine, à part. — Duchesse !

Duchesse, indiquant Sabine, qui absolument pétrifiée est restée clouée sur place. Offrez donc le bras à Madame.

Bérézin, offrant son bras droit. — Madame !…

Sabine prend le bras machinalement, toute hypnotisée qu’elle est par la Duchesse, qu’elle ne quitte pas du regard.

La Duchesse, à Sabine. — Vous permettez ? (A part, gagnant la droite.) Elle m’a reconnue, jouons serré ! (Apercevant le colonel dans l’embrasure de la porte du fond droit, laissée ouverte.) Oh ! colonel, que c’est aimable à vous !

Elle va à lui.

Bérézin, à Sabine qui se laisse conduire comme un être privé de volonté. — Nous avons eu une bien belle journée, n’est-ce pas, Madame ?

Sabine, pas du tout à la conversation. Très belle, en effet, Monsieur. (A part.) Ce n’est pas possible, une ressemblance pareille !

Bérézin. — On aspirait tellement après le beau temps.

Ils entrent par la baie du milieu dans la salle de fêtes et se dirigent vers la droite, les portes centrales de droite restent ouvertes.

====Scène