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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/92

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Paginet. — Donnez-en quarante !… Mais tout cela ne doit pas me faire oublier la reconnaissance. Je m’en vais où mon devoir m’appelle.

Madame Paginet. — Où vas-tu ?

Paginet. — Au ministère. Je vais remercier ce ministre intègre.

Madame Paginet. — Mais tu ne le connais pas.

Paginet. — Qu’importe ! Il me connaît bien, lui !… Je ne veux pas qu’il puisse dire, ce soir, en se couchant : "Paginet est un ingrat’ !" (Il remonte ; on entend une fanfare dans la coulisse.)

Tous. — Qu’est-ce que c’est que ça ?

Joseph, accourant. — Monsieur, c’est la fanfare de Fontainebleau !

Paginet. — Comment, elle est à Paris ?

Joseph. — Oui, pour le concours des sociétés musicales ; elle a appris votre nomination et elle vient féliciter en vous un enfant de Fontainebleau !

Paginet. — Mais faites-la entrer !

Joseph, annonçant. — Messieurs de la fanfare !

La fanfare entre du fond en jouant un pas redoublé, fait le tour de la scène et se range au fond.)''

Patrigeot, une fois que la musique à cessé, à Paginet. — Monsieur et cher compatriote, les grandes nouvelles sont comme la foudre, elles se répandent avec la rapidité des grandes marées.

Livergin, à part. — Je ne vois pas bien ça.

Patrigeot. — Au moment où nous traversions Paris, ma fanfare et moi dont je suis le chef, nous avons appris que monsieur le Ministre venait de vous octroyer la Croix de la Légion d’Honneur, à vous, un enfant de Fontainebleau ! Laissez-moi vous le dire : il a bien fait.

Tous. — Très bien ! Très bien !

Patrigeot. — Quand Napoléon institua cette belle institution, il pensait à juste titre qu’on la réserverait plutôt pour les gens qui la mériteraient. Eh bien ! laissez-moi vous le dire, c’est notre avis, à ma fanfare et à moi dont je suis le chef, qu’on ne pouvait pas mieux la placer que sur votre poitrine. Je le dis bien haut ! N’y eût-il qu’une croix, elle devait échoir au docteur Paginet.

Tous. — Bravo ! Bravo !

Paginet, très ému. — Merci !… mes amis, merci ! Voilà une de ces ovations spontanées qui font du bien au cœur… et je ne l’oublierai jamais !… Tenez, voici cinq cents francs pour boire à ma santé !

Toute la fanfare. — Vive monsieur Paginet

Livergin, à part. — Cinq cents francs !… Et on lui demanderait un service de quarante sous, il vous enverrait promener !

Paginet. — Et maintenant, mes amis, le ministre m’attend ! Venez ! (À madame Paginet.) Au revoir, bébé ! Tenez ! mettez-vous sur le balcon pour nous voir passer.

Joseph, entrant une lettre à la main. — c’est une lettre pour madame !

Madame Paginet. — Bien merci !

Paginet, à la fanfare. — Allons ! mes amis, en route ! (Il se, met à la tête de la fanfare qui joue en sortant par le fond.)

Livergin, allant sur le balcon avec sa femme, Dardillon et Simone, entre ses dents. — Est-il assez grotesque ?

Pendant tout ce qui suit on entend la fanfare en sourdine dans la coulisse.