Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/10

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Quel bon dîner nous allons faire !
En cabinet particulier
Nous nous mettons : c’est plus tranquille !
Et je puis bien me le payer
Avec mon beau billet de mille !

Nous eûmes un dîner exquis !
Et Ninette aussi fut exquise !
Elle m’avait vraiment conquis ;
Je l’avais tout-à-fait conquise…
"- Ah ! parle, dis ce que tu veux ! "
Murmurais-je, — touchante idylle ! -
"Je puis exaucer tous tes voeux
Avec mon beau billet de mille ! "

Et le fait est qu’il me semblait
Plus doux encor de me voir riche ;
Elle aura tout ce qui lui plaît,
Et je puis ne pas être chiche ;
Comme, alors, son œil s’animait !
Que son regard était fébrile !
C’est pour moi seul qu’elle m’aimait,
Pas pour mon beau billet de mille.

Bref, en passant, elle parla
Qu’elle avait bien certaine dette ;
Une dette ! Qu’est-cela ?
Je m’en charge ; c’est chose faite !
"Tiens, nous allons tout arranger,
Fis-je, mignonne, c’est facile ;
Et je n’ai qu’à faire changer
Avec mon beau billet de mille."

"- Hein ! fit-elle, qu’est-ce ceci ?
Pour moi, je ne veux pas qu’on change
Eh ! laissez ce billet ici ! "
Moi, je dus céder à cet ange.
Digne, au garçon elle arracha
Le billet, puis calme et tranquille
Distraitement elle empocha…
V’lan ! tout mon beau billet de mille.

Je fus un instant ahuri !
Moi j’avais compris d’autre chose…