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Scène V

Madame de Sorges, Germaine

Germaine, qui, pendant la fin de la scène, est restée interdite. — Ma tante, qu’est-ce que tout cela veut dire ?

Madame de Sorges. — Ah ! Germaine, mon enfant, je n’ai plus d’espoir qu’en toi ! tu es maintenant une grande jeune fille, je puis tout te dire, je n’ai rien de caché pour toi, écoute : René est en danger… Il va se battre !

Germaine. — Se… battre ?

Madame de Sorges. — Oui… pour moi, pour me venger d’une calomnie indigne… j’espérais jusqu’à présent qu’il ignorait cet affront, je me taisais, je m’efforçais de paraître gaie pour ne pas lui faire soupçonner mon chagrin. Mais, hélas ! je vois bien qu’il sait tout… et comme il n’écoute que son coeur…

Germaine. — Eh bien !

Madame de Sorges, — Eh bien ! Il court me venger !

Germaine. — Oh ! ma tante ! ma tante ! (Elle se jette dans les bras de Madame de Serges.)

Madame de Sorges. — Ah ! ne pleure pas, mon enfant ! A présent, il faut agir, je ne compte que sur toi… que sur l’énergie que tu puiseras dans ton amour pour empêcher René de se battre ! Peut-être t’écoutera-t-il, toi… Pour moi, toutes mes prières ne feraient que l’exciter davantage… tu comprends, il s’agit d’une injure qui m’est personnelle ! tout ce que je pourrais faire pour le détourner de ce duel, il le regarderait comme un sacrifice de ma part et ce sacrifice il ne l’accepterait pas… Mais toi, ma petite Germaine, toi, ce n’est pas la même chose, tu pourrais lui dire qu’un tel outrage ne m’atteint pas… et que j’ai bien trop de fierté pour me croire salie par cette calomnie, et que je serais dix fois plus malheureuse, si je le voyais exposer sa vie… Va, dis-lui tout cela ! que m’importe, à moi, cette infamie ! dis-lui tout ce que ton cœur te dictera et arrache de lui la promesse que ce duel n’aura pas lieu !

Germaine. — Oh ! non, non, jamais !… Il ne se battra pas.

Madame de Sorges. — Le voici ! du courage et n’oublie pas qu’il nous faut sa parole.