Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/5

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Blanche, ô hasard ! n’était point bête ;
Moi… je n’avais point mal aux dents.

C’était au mieux ! comme on le pense.
Nous avons fait un dîner fin :
Bisque, huîtres, tout en abondance :
Vin de champagne et Chambertin,
Rien n’y manquait ! c’était un rêve.
Nous étions si gais, si bruyants !
Et de l’esprit, j’en eus sans trêve :
Ah ! je n’avais pas mal aux dents.

Au dessert je devins très tendre !
Je pourrais dire sans façon :
Vous n’êtes pas sans me comprendre !
D’ailleurs j’étais toujours garçon !
Blanche était toujours ravissante…
Enfin ce fut plein d’agréments…
Ah ! je suis d’une humeur charmante
Moi quand je n’ai pas mal aux dents.

Bref à dix heures nous partîmes ;
Formant cent projets amoureux,
Dans le seul fiacre que nous vîmes.
Presto nous montâmes tous deux ;
Il était ouvert ! c’est terrible,
Eh hiver, par le mauvais temps :
Juste, il faisait un temps horrible,
Un vrai temps pour le mal de dents !

Un froid glacial, de la neige ;
Un vrai fait exprès ! L’on conçoit
Notre ennui. Bref, que vous dirai-je ?
J’avais eu… chaud, il faisait froid ;
C’était la mort, le coup suprême.
Je gelais dans mes vêtements.
"Sapristi, disais-je en moi-même,
Je vais attraper mal aux dents ! "

Parbleu la chose était bien sûre !
Ça n’a pas manqué !… Ce matin
Je trouvais cette boursouflure
A ma joue. Ah ! maudit sapin.
Bref, que vouliez-vous que je fisse ?