Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/50

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Farlane. — Oui ! j’étais en train d’admirer votre beauté !

Salmèque (à part, ahuri.) - Ma beauté… Comment c’est elle qui… mais ce sont les rôles renversés.

Farlane. — Oui, votre beauté… cette beauté brute qui exige un connaisseur, un chercheur, un érudit, presque, pour être découverte et appréciée et qui, invisible à l’œil nu, je vous l’accorde, demande à être creusée, taillée comme le diamant pour apparaître étincelante et lumineuse comme… comme la lune.

Salmèque. — Ah ! que de suavité dans ces compliments de femme…

Farlane (à part.) - Je la fascine (haut) oui avec vos lèvres de corail, votre teint empourpré qui ferait envie à la pivoine en fleur.

Salmèque. — Ah ! je vous en prie !

Farlane (à part.) - Elle se pâme… (haut) avec cet œil bleu… ou noir… Est-il bleu ou noir votre œil ?

Salmèque. — Vert…

Farlane. — Votre œil vert, aux douceurs félines, à la patte de velours.

Salmèque. — La patte de velours de mon œil !

Farlane. — Vous me rappelez les plus belles statues de la Diane.

Salmèque. — La Diane ! quelle Diane ?

Farlane. — Mais la Diane… la Diane chasseresse (à part) la Diane sécheresse plutôt.

Salmèque (à part.) - La Diane ! En voilà une idée… pourtant je n’ai rien de féminin dans la physionomie… je sais bien qu’un type de beauté ça n’a pas de sexe.

Farlane (à part.) - C’est qu’elle prend tout pour de l’argent comptant…

Salmèque. — Eh bien ! voulez-vous que je vous dise elle est beaucoup mieux que je ne croyais ! (haut) ah ! Citoyenne !

Farlane. — Citoyeng ! voilà l’accent qui la reprend (haut) eh ! bieng !

Salmèque. — Eh ! bieng, (à part) quelle sacrée manière de prononcer ! (haut) Eh ! bieng, laissez-moi vous dire à mon tour ce que j’ai sur le coeur… vous appréciez ma beauté, je le comprends, mais la beauté que j’ai ne m’empêche pas de goûter aussi celle des autres et, de toutes celles que je connais, vous êtes la plus belle…

Farlane. — Qu’est-ce qu’elle dit ?