Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/89

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Jenny.

— Eh bien, voilà !… y s’amène !… y s’amène, le boudin !

Marcassol, lui arrachant le plat avec impatience. — Y s’amène ! y s’amène ! Allons ! donnez-moi ça ! Nous ne finirons jamais de déjeuner… Quelle limace, mon Dieu ! quelle limace ! (Il rentre.)

Jenny.

— Limace ! Eh ! là ! Eh ! là !… Non ! mais faudrait-y pas les servir à bicyclette ! Oh ! ces maîtres, on voit bien qu’ils n’ont jamais été domestiques !

Jean, qui a paru au fond pendant ce qui précède, descend sur la pointe des pieds vers Jenny et lui prend la taille.

Jenny, digne. — Hein ! Monsieur Jean ! J’ai cru que c’était madame.

Jean, l’embrassant. — Voilà qui prouve le contraire !

Jenny.

— Allons, finissez ! Vous me ferez croire que c’est Monsieur… Mais qu’est-ce que vous apportez-là ?

Jean, montrant la lettre. — Ah ! voilà !… Un poulet… pour M. Marcassol, votre maître ! Je viens, messager de Vénus…

Jenny.

— Où ça, Vénus ?

Jean.

— Eh bien ! la comtesse Kaskoff.

Jenny.

— Ah ! la cocotte du second ! la locataire de Monsieur.

Jean.

— Oui, ma maîtresse… et la sienne.

Jenny.

— Comment, tu crois ?

Jean.

— Parbleu ! c’est connu ! il est tout le temps, fourré chez elle…

Jenny.

— Mais tu as raison ! Et elle, tout le temps ici… sous prétexte de réparations… Ah, bien, elle a un fier aplomb !… Avec ça, je ne vois ce qu’il a de si plaisant ! toujours grincheux !

Voix de Marcassol, dans la salle à manger. — Là, c’était à parier ! du sucre dans les épinards et tu sais que je ne les aime qu’au sel !

Jenny.

— Là ! Entendez-vous ! Le voilà qui la chamaille et c’est comme ça du matin au soir. Ah ! quel homme !

Jean.

— C’est drôle ! là-haut il est charmant.

Jenny.

— C’est que ça dépend des étages…