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ÉPREUVES MATERNELLES

vaise. Pourrait-elle convaincre ses protecteurs qu’elle était martyrisée moralement ?

En une seconde, toutes ces réflexions tournoyèrent dans son âme agitée.

Elle reconnut qu’elle ne gagnerait rien à trahir son identité et qu’il valait mieux rester dans l’ombre. Le meilleur était de se dissimuler afin de reprendre des forces. L’avenir, sans doute, elle priait Dieu pour cela, amènerait une occasion plus propice dont elle saurait profiter.

Elle ne connaissait pas la discrétion des Rougeard et voulant l’aider, ils pourraient peut-être lui nuire. Son mari qui la disait dans une maison de repos, aurait toute latitude de lancer des insinuations de folie et ce serait le comble de l’infortune.

Il pouvait, sous couleur de la soigner, la forcer à réintégrer le foyer et qu’y subirait-elle d’outrageant encore ? Elle était bien là, dans son obscurité ; et elle suppliait Dieu de l’y laisser encore.

Farouchement, elle garderait son secret, jusqu’au moment où le miracle qu’elle attendait l’en déliât.

Elle répondit donc avec fermeté à Mme Rougeard :

— Je remercie Madame pour sa bonté. Je n’ai nul besoin d’être secourue. Je suis on ne peut mieux chez Madame où le service est facile. Je ne désire qu’une chose : c’est de plaire à Madame autant qu’elle me plaît.

Ces paroles étaient aussi délicates que définitives, et Mme Rougeard eut l’impression de recevoir une leçon. Cela l’excita. Elle ne capitulerait cependant pas devant une servante. Elle notait que sa subordonnée possédait des armes adroites et elle essaya de l’égaler :

— Ma bonne Marie, je vous sais gré de ne pas vous plaindre de moi. C’est assez rare parmi vos compagnes. Mais il ne faut pas vous défier de moi. Je vois clairement que vous avez eu de la peine, hier.

Denise essaya une dénégation :

— Vous avez mal dormi c’est certain, reprit Mme Rougeard, avec autorité. Vos traits indiquent une souffrance.

La jeune femme jeta un regard de détresse sur celle qui lui parlait. C’était un aveu muet, car les lèvres se scellèrent.