Page:Fiel - Épreuves maternelles, 1930.djvu/13

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La petite Rita eut aussi, comme son frère, une nourrice et une bonne, afin que Denise n’eût pas à s’en occuper. Mais elle faisait des prodiges pour la surveiller étroitement.

Il lui arrivait en plein bal, de se soustraire à la foule de ses invités pour aller contempler la mignonne qui dormait. Elle la regardait ; ses petites mains fermées reposaient sur la couverture ; tout, dans cet être fragile devenait une source d’adoration pour la mère idolâtre.

Elle s’arrachait à grand peine de ce tableau et rejoignait ses hôtes avec le sourire conventionnel qu’elle avait adopté.

Il était rare que son mari ne s’aperçût pas de ces courtes absences, et il épiait sa rentrée avec un mauvais visage. Il trouvait le moyen de lui glisser tout bas :

— D’où venez-vous ? J’entends que vous ne négligiez pas votre rôle de maîtresse de maison… Elle dédaignait de lui répondre, ayant dans son cœur une flamme de tendresse qui anéantissait les paroles cruelles et les regards durs.

Elle possédait un monde intérieur bien à soi qui ne dépassait pas les murs de la nursery, et c’est devant ce seuil qu’elle déposait sa royauté factice, pour n’être plus qu’une mère tendre.

Il arriva que Denise reçût une lettre de son frère. Maintenant, elle éprouvait un malaise, presque une honte quand elle ouvrait l’enveloppe qui contenait de ses nouvelles.

Elle avait conscience de le négliger et elle s’en affligeait. Mais, scrupuleuse, elle ne voulait pas mentir à son mari. Elle craignait en ne lui obéissant pas entièrement, qu’il lui défendît toute correspondance avec cet unique parent qu’elle aimait tendrement.

Elle décacheta l’enveloppe. À mesure qu’elle lisait une angoisse se répandait sur ses traits. Puis, une joie la remplaça, mais rapidement cette expression joyeuse fit de nouveau place à un air douloureux.

Le missionnaire disait ceci : Épuisé par le climat et la fatigue, il allait venir se reposer en France. Il espérait passer trois ou quatre jours chez sa sœur et se réjouissait de faire la connaissance de son beau-frère et de ses jeunes neveux.