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ÉPREUVES MATERNELLES

n’avait souhaité aucun mal à son ennemie et elle disparaissait de sa vie.

Denise comprit que Dieu la soutenait.

Elle reprit courage et essaya de discuter avec Paul qui ne céda pas.

À bout d’arguments, elle cria, menaçante :

— Je veux mes enfants !… je ne sais ce dont je serais capable pour les ravoir. Je me sauverai et je les chercherai !

— Essayez ! Vous serez limitée à la cuisine et à l’office, seules pièces où vous aurez le loisir de vous tenir, avec votre chambre, durant mes sorties. Tout le reste sera fermé.

— Je me sauverai quand même !

— J’y veillerai. Mais vous avez assez divagué. Mes intentions sont arrêtées et je n’y reviendrai pas. Je vous prie de me servir mon déjeuner, j’ai faim. Il est dix heures et je dois sortir.

Tout ce que les yeux de Denise pouvaient contenir de mépris fut dirigé sur son mari, mais elle ne bougea pas. Pour affirmer tout son dédain pour cet ordre, elle s’enfonça dans son fauteuil.

Il eut un rire sardonique, et, la prenant par le poignet, il la força à se lever et la conduisit vers la cuisine.

Elle gémit. Il murmura :

— Je serai le plus fort, n’en doutez pas… faites mon déjeuner… j’attends.

En robe du matin élégante, Denise dut obéir. Elle ignorait où se trouvait la plupart des ustensiles et les aliments. Mais harcelée par l’ironie et la dureté de son mari, elle dut chercher et elle confectionna une tasse de chocolat.

Ses mains se refusaient à servir cet homme. Elle était aveuglée d’humiliation, saturée de dégoût. Son cœur saignait en pensant à ses enfants.

Quand le chocolat fut prêt, elle le posa brusquement sur la table de la cuisine, sans un mot, et voulut s’en aller. Son mari la retint :

— Ayez plus de grâce dans vos gestes, je vous prie, je ne veux pas être servi par une mégère. Je suis sûr que vous auriez tancé d’importance la servante qui se serait permis de vous présenter un plat de cette manière.

Denise chancela de colère et de fierté blessée, et