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ÉPREUVES MATERNELLES

marquée et sa maîtresse se montra ravie de son nouveau maintien.

— Ce matin, je croyais bien ne pas pouvoir vous conserver, mais je m’aperçois que je m’étais trompée, j’espère que nous nous conviendrons de mieux en mieux. Venez avec moi, dans ma chambre, pour nos comptes.

Dans cette chambre, Marie en entrant, aperçut deux enfants blonds qui jouaient sous la surveillance d’une nurse. Deux enfants blonds qui lui rappelèrent deux têtes chéries qu’elle n’avait pas vues depuis plus de six semaines.

Elle s’immobilisa sur le seuil, ne pouvant plus avancer d’un pas.

— Entrez, Marie.

Elle n’entendit pas cet ordre. Hypnotisée, éperdue, ses yeux se rivaient aux visages enfantins.

— Marie.

Mais Denise ne perçut pas l’appel. Mme Pradon la regarda et entrevit la contemplation fixe de sa cuisinière. Ce regard lui parut étrange et soudain, elle eut peur.

— Marie, qu’avez-vous ?

Denise tourna la tête. Sa maîtresse la vit pâle et si défaite qu’elle eut une exclamation de pitié.

La nouvelle domestique poussa un profond soupir et ses mains se crispèrent sur sa poitrine, comme si elle voulait comprimer son cœur.

Elle répondit, la voix rauque :

— J’ai eu soudain une crampe qui m’a enlevé toute conscience. Je demande pardon à Madame.

Et déférente, elle s’occupa des comptes.

Si Mme Pradon était surprise des prix modiques qu’alignait sa cuisinière pour ses achats, elle n’était pas satisfaite cependant de la réponse qu’elle lui avait donnée. Cette crampe lui paraissait bien circonstancielle et elle devina un mystère dans cette attitude.

Le lendemain, Marie Podel qui n’avait pas à dépasser l’office, rôda durant l’après-midi devant la chambre des enfants. On les gardait à la maison à cause du temps pluvieux.

Elle dit à la nurse d’un ton qu’elle essaya de rendre enjoué :

— J’aime beaucoup les enfants.