Page:Fiel - Armelle devant son vainqueur, paru dans l'Ouest-Éclair du 3 septembre au 10 octobre 1937.djvu/177

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cependant me fiancer. Pour faire souffrir un homme, je ne sais d’autre moyen. Il faut qu’il soit reçu à la maison et qu’il s’attache à moi, comme vous l’étiez à votre fiancé. Sans quoi, ma bonne tante, comment pourrais-je lui causer quelque peine ? Il faut que, quand je romprai mes fiançailles fictives, il éprouve une réelle douleur, afin que vous vous trouviez bien vengée. Alors, ma tante, pourquoi ne pas jeter notre dévolu sur ce peintre étranger à la ville, que nous ne reverrons plus ? N’est-ce pas là une occasion unique ? Ce jeune homme vous a manqué de respect, dites-vous, et ne faut-il pas le châtier pour cela aussi ?

Armelle se révélait machiavélique. Dans son désir de revoir Gontran, elle apprenait la ruse. Sa nature cependant simple, acculée à des moyens extrêmes, cherchait à se défendre, son cœur doux et tendre se cramponnait à l’espoir et guettait une issue pour atteindre le bonheur.

À mesure qu’elle développait son plan, le visage de Mlle de Saint-Armel s’épanouissait. — Tu es un génie ! s’écria-t-elle… Il faut absolument humilier ce croque-couleurs qui ose traiter mon frère de pair à compagnon… Mon pauvre Armand a toujours été un peu faible, et il faut que nous nous montrions fortes…

Armelle se demanda si elle n’avait pas été un peu loin…

L’énormité de sa ruse lui apparut soudain, et elle fut terrorisée par un tel péché. Il lui semblait qu’elle avait parlé sans le savoir, mue par une puissance supérieure.

Sa tante, tout agitée, dit :

— Allons retrouver ces messieurs. Nous leur offrirons à goûter et tu leur