Page:Fiel - Armelle devant son vainqueur, paru dans l'Ouest-Éclair du 3 septembre au 10 octobre 1937.djvu/69

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vous pas pensé à un rapprochement plus tôt ?

— Mon enfant… je craignais que ces jeunes personnes, qui ne sont pas de notre monde, vous entraînassent dans d’autres voies. Vous auriez perdu à leur contact assidu le sens de la caste qui est la vôtre. Il ne faut pas déchoir.

Quand Mlle de Saint-Armel aînée voulait que ses paroles tissent plus d’effet, elle ne tutoyait pas Armelle. Seulement, la jeune fille s’habituait à ce ton solennel et il manquait parfois son but.

— Sommes-nous donc vraiment d’une autre essence, mon oncle ?

— Non, ma petite fille, la preuve en est que ma chère femme était née simplement Joronel.

— Sans particule ? s’écria Armelle.

— Mon frère, vous êtes imprudent, dit sévèrement Mlle de Saint-Armel aînée.

— Pourquoi imprudent ? Notre Armelle épousera celui qui lui plaira, sans s’arrêter à des préjugés indignes du progrès.

— Me marier ! Moi ! cria Armelle, vous n’y pensez pas mon oncle ! Vous savez que tous les hommes sont des êtres malfaisants… à part vous, qui êtes la crème des oncles

— Hum ! nous verrons ce que l’avenir nous apportera.

— Je vous assure, mon oncle, que…

— Ne promets rien, ne sois sûre de rien… tu t’apercevras peut-être un jour qu’un beau jeune homme est la merveille de la création.

— Mon frère !

— Ma sœur ? en quoi ai-je pêché ?

— Vos paroles manquent de réserve, et puis, vous oublier le respect que vous devez à mon éternelle douleur.