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— C’est de l’électricité perdue, ma chère Pauline, parce que je n’ai rien à faire dans le bureau de votre directeur qui n’est pas mon chef, et aussi parce qu’il est probable que ce monsieur ne vient pas tous les jours voir son ami.

Pauline essaya bien de me suggérer que le hasard est souvent un puissant auxiliaire, qu’il faut également se confier à la Providence, je restai cependant sceptique, et la conversation finit par dévier, car mon amie ne pouvait raisonnablement me donner tort.

À quelques jours de là, je me trouvais dans le vestiaire, et prête à quitter le bureau, quand j’entendis des paroles qui m’amusèrent et qui faisaient suite à un entretien très animé. Les voix venaient du couloir sur lequel s’ouvrait la pièce où j’enfilais mon manteau. La porte était entrebâillée et je saisis ces mots au vol :

— Alors, tu sacrifierais ton cœur à l’argent ?

— Je n’ai pas exactement dit cela. Je suis riche, et je voudrais que ma femme eût de la fortune, pour qu’elle ne se crût pas inférieure à moi. C’est tellement irritant pour une femme, me semble-t-il, de savoir son supérieur par trop supérieur. Soyons égaux sur les points où nous pouvons l’être. Je veux que ma femme soit heureuse, et je ne souhaite pas qu’elle soit humiliée… Donc, je me marierai avec une jeune fille m’apportant une dot sérieuse.

— Mais si ton cœur parlait en faveur d’une belle jeune fille pauvre ?

— Je dirais à mon cœur de se taire.

— Tu serais ton propre bourreau.

— Ne doit-on pas appliquer ses propres principes ?

— Quel paradoxe !

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