— Asseyez-vous, mademoiselle, asseyez-vous, mon petit. Calmez-vous… Vous me raconterez ensuite, posément, ce qui vous arrive.
Mais j’estimais que je n’avais nul besoin de prendre le temps de me calmer. Je me remis à crier, sur un mode un peu moins aigu, toutefois :
— C’est on ne peut plus simple. À tel point que je me demande comment il se fait que l’on ne songe pas plus souvent à agir comme moi.
— Expliquez-vous, supplia mon notaire.
— Eh bien, voilà : on achète un billet et on gagne.
Il me contempla avec perplexité, et murmura en détachant toutes les syllabes :
— Viendriez-vous m’annoncer que vous êtes l’heureuse gagnante du million ?
— Parfaitement, je suis cette heureuse-là.
Triomphalement, je fouillai dans mon sac, je pris mon billet et je l’agitai.
— Ma chère enfant…
Le fauteuil tournant fit une volte à gauche, puis à droite, et revint se placer dans mon axe. J’aperçus alors en face de moi deux yeux qui ressemblaient par leur rondeur à ceux des poissons cuits au court-bouillon.
Maître Praquet ne pouvait plus parler.
— Je viens vous voir, poursuivis-je, pour vous demander d’encaisser cet argent. Naturellement, vous tairez mon nom et vous administrerez ma nouvelle fortune.
— Ma chère enfant…
Il ne trouvait que ces trois mots, toujours les mêmes, pour m’exprimer sa gratitude et son admiration. Je trouvai cela monotone. D’un bond, je me dressai :
— Venez, je vous en prie. Nous allons nous ren-