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rante. Des barques voguaient et les avirons lançaient des perles qui retombaient mollement.

J’essayais de voiler la lumière qui devait se dégager de mon visage et, quand des promeneurs me croisaient, ma bouche restait sérieuse et mes yeux hautains.

Je revins enfin sur mes pas et, à mon grand trouble, je vis, me faisant face, l’inconnu de la salle à manger.

Ma crainte était de rougir en le croisant, ce qui ne manqua pas d’arriver. Je sentis mon visage devenir comme une braise ardente. Je pestais intérieurement contre ma stupide émotivité quand, à ma grande surprise, l’inconnu s’inclina devant moi, et me dit :

— Excusez-moi, mademoiselle, vous avez laissé tomber votre écharpe.

C’était vrai. Le galant chevalier me tendit l’objet, bon prétexte à des présentations, et m’adressa un sourire qui découvrit ses dents éclatantes.

Je le remerciai. Il sourit encore et murmura :

— Me permettez-vous de faire quelques pas à vos côtés ?

J’aurais voulu répondre non, mais je ne savais comment exprimer poliment mon refus et je ne trouvai que cette phrase assez sotte :

— Si cela vous fait plaisir…

Je reconnus ma stupidité, quand j’entendis mon inconnu articuler d’une voix lente et caressante :

— Vous l’aurais-je demandé si cela ne me plaisait pas ?

Puis, il poursuivit à mi-voix :

— Oserai-je vous dire que vous avez produit sur moi une impression ineffaçable ? Vous trouvez, sans doute, que je suis bien rapide dans mes jugements,

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