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lui désormais, je ferais étalage d’un oncle général, d’un autre oncle notaire et de mon ex-tuteur, inspecteur des Finances. Ces parents fictifs se poseraient comme des épouvantails qui feraient dresser l’oreille à mon soupirant. Mes mensonges seraient des mensonges sauveurs. Un escroc n’aime guère rencontrer des personnes qui peuvent facilement plonger dans son douteux passé.

Ces pensées me rassérénèrent. Je pris même un plaisir assez pervers à échafauder mon scénario. Je jouissais de la comédie que j’allais jouer et j’attendais les réactions de mon partenaire avec une curiosité machiavélique.

Ah ! il allait apprendre que, sans pressentiments, dans le calme d’un beau jour, un orage soudain peut survenir. L’innocente « dinde » allait rouler le forban, ce qui ne manquerait pas de piment. Je constatai, une fois de plus, que mon cœur n’était pas sérieusement pris et que je m’apprêtais à combattre en toute liberté de jugement.

Je m’habillai avec le plus grand soin. J’y apportai même une coquetterie plus recherchée. Dans cette lettre, j’avais lu que j’étais jolie et je voulais l’être davantage encore.

Sidonie reparut. Elle me contempla d’abord sans parler, puis murmura :

— Mademoiselle n’a pas trop de chagrin ?

— Non, Sidonie, pas du tout, même…

— Tant mieux !

— Je n’avais pas eu beaucoup le temps de m’attacher à ce… monsieur.

La soubrette soupira.

— Quel dommage qu’il soit comme ça ! Il est si beau ! Quels yeux !

— Cela ne suffit pas au bonheur. À propos, ma

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