Page:Fiel - Coups de foudre, 1947.pdf/66

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

je compris plus que jamais l’ascendant que l’argent exerçait sur lui.

— Je vous félicite, chuchota-t-il d’une voix volontairement indifférente, mais où perçait, cependant, un léger tremblement.

— Il n’y a pas de quoi, ripostai-je un peu moqueuse. Ce n’est pas moi qui ai gagné cette fortune.

René Déflet crut le moment venu pour protester de la pureté de ses sentiments :

— Ne croyez pas que je vous aime davantage parce que vous êtes riche ! Vous ne posséderiez rien que mon amour resterait le même ! Ah ! si vous pouviez me mettre à l’épreuve !

Je pensai :

— L’épreuve va venir, monsieur le beau parleur. Votre souhait sera vite exaucé.

Cependant, il continuait, l’œil noyé de tendresse :

— Si vous saviez quelle félicité j’éprouve d’avoir trouvé l’âme sœur ! Quelle douceur m’inonde à la pensée de me savoir compris !

Il enfilait un chapelet de lieux communs qui s’adressait à la jeune dinde qu’il me croyait. J’étais presque honteuse d’entendre de telles fadaises. Son contentement éclatait jusque dans ses gestes. Son regard, à force d’audace, devenait presqu’insolent, et c’est avec dédain qu’il toisait les estivants. Ce regard semblait dire :

« Aucun de vous n’aurait été assez fin pour dénicher ce merle blanc ! »

En revanche, quand ce même regard tombait sur moi, quelle douceur, quelle tendresse reflétait-il !

— Ila… chère Ila… avez-vous confiance en moi ?

Je gardai un silence prudent.

— Répondez-moi, je vous en prie…

— 64 —