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— Cela possède aussi son attrait grâce à la variété des couleurs et des points.

— Je vois que vous aimez votre art.

Je souris :

— Quand on n’a pas ce que l’on veut…

Il me considéra avec curiosité :

— Il est rare de rencontrer une personne contente de son sort. Il est vrai que si vous créez ces modèles, cela donne une sorte de flamme à vos fastidieux travaux.

— Vous dites vrai… L’intelligence y trouve son compte et l’esprit ne s’égare pas dans des rêves trompeurs. Tandis que je compte mes points, je ne songe pas à des chimères… Je vis tranquillement dans ma petite chambre… Je n’ai plus mes parents, il a bien fallu qu’au sortir du couvent je me débrouille de mon mieux.

Je ne mentais pas complètement. En attendant que j’obtienne un secrétariat, les bonnes sœurs de mon couvent m’avaient procuré un travail de cette sorte, que j’avais abandonné avec joie. J’avais offert ma succession à la mère d’une de mes compagnes qui, nantie de petites rentes, était fort heureuse de cet appoint.

Mon prince charmant me contemplait. Il me semblait lire dans son regard ce qu’il pensait et, qui, à mon avis, se résumait à ceci :

« Voici une brave jeune fille qui me plaît. Il est bien dommage qu’elle ne soit pas riche. Sans quoi elle ferait une femme agréable. Sa tournure est élégante et elle a du goût pour s’habiller. Je n’aurais même pas soupçonné qu’elle vécût de son travail, tant ses toilettes sont « chic », tout en restant sobres. Elle doit s’arranger avec la maison de couture à laquelle elle donne des tricots.

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