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vouement quotidien. Je me disais que celles-ci et celles-là, à un certain âge, restées orphelines et célibataires, auraient droit de la part de l’État, en faveur des services rendus par leur famille, à une petite pension qui les empêcherait de mourir de faim.

C’est pourquoi j’étais attendrie, moi aussi et j’exposai ma façon de voir à mon compagnon sans plus songer qu’il pouvait prendre ce plaidoyer comme une invite à sa commisération. Il aborda dans mon sens.

J’ajoutai, afin de me disculper :

— Il faudrait évidemment déterminer les cas dignes d’intérêt. Je suis loin de parler de moi qui n’ai pas l’âge canonique. Je suis encore très jeune et mon avenir peut s’illuminer d’espoir.

Gustave Chaplène songeait. Ses bras étaient croisés et il marchait doucement, le regard au loin. Les personnes qui nous rencontraient ne devaient certes pas nous prendre pour un couple d’amoureux.

Mon compagnon resta rêveur et, ce soir-là, nous nous quittâmes sur des banalités, sans qu’un mot intime fût prononcé. Seule, la poignée de main se prolongea mais le salut demeura des plus protocolaires.

J’emportai une impression assez agréable et mon sort ne me parut pas désespéré. Je sentais que Gustave Chaplène luttait entre le désaveu de ses principes et l’attrait… d’une bonne action, car n’était-ce pas une bonne action que d’arracher une jeune fille à l’avenir médiocre qui l’attendait ?

Fidèle à ma ligne de conduite, je fus invisible le lendemain. Le Prince Charmant n’apparut ni au déjeuner ni au dîner et je pensai qu’il était

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