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marthe fiel

Nil parut assez décontenancé devant cette perspective et, après un moment de silence, il murmura :

— Il y a beaucoup d’enfants dans la ville, et sûrement il oubliera quelques péchés…

— Jésus voit tout, trancha sévèrement Mme Bompel, et puis il y a ton ange gardien qui ne te quitte pas. Il a une mémoire excellente et il fera son rapport au Bon Dieu…

— Ce n’est pas beau de rapporter.

— Quand il s’agit d’un ange qui veille sur vous, pour votre bien, ce n’est plus rapporter, mais conduire.

Nil n’insista plus. Il dit à sa mère :

— Il faut que j’aille à mes affaires…

Phrase entendue et répétée à propos.

Ce jour-là, « ses affaires » représentaient un jeu de patience dont il reconstituait les morceaux. Quand il voulait rester en repos, il n’aimait rien autant que cette occupation. Cependant, cette fois, il était assez distrait par la pensée de son ange gardien, et il regardait souvent à droite et à gauche pour essayer de l’apercevoir.

Un jeune ami survint, qui, turbulent et volontiers taquin, bouscula les pièces laborieusement placées. Nil eut un réflexe fâcheux : il gifla son camarade qui hurla comme un fauve.

— Tais-toi donc, dit Nil, mon ange gardien va te faire une scène…

L’autre s’arrêta net. Sa mère ne lui avait pas encore infusé la science que possédait Nil.

— Qui c’est ? questionna-t-il.

Et Nil, qui avait près de cinq ans à l’époque, s’improvisa professeur.