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marthe fiel

pantoufles, tandis que moi, n’allant plus au collège, je te tiendrais compagnie et te conduirais dans de beaux jardins.

Mme Bompel se retenait pour ne pas rire de tout son cœur…

Elle dut employer beaucoup de diplomatie pour dis­suader son fils de tels projets. Il cherchait des argu­ments de tous genres. Il se rendit devant des raisons péremptoires, dont la principale était que pour se marier, il fallait pour le moins porter des pantalons longs, ce qui n’arrivait que beaucoup plus tard.

— Tu n’as jamais vu un marié en culottes courtes et en mollets nus, n’est-ce pas ?

À vrai dire, Nil n’avait jamais vu de marié et il se tut, en acceptant de patienter.

Sa mère jugeait que d’ici là, son petit garçon appren­drait que l’on ne se marie pas avec sa mère. Pour le moment, il se contentait de faire des courses avec elle. Les commerçants l’accueillaient toujours avec un beau sourire, que Nil rendait plus ou moins. Dans l’ensem­ble, il estimait que l’on se montrait bien familier vis-à-vis de lui.

Un jour, une pâtissière lui dit :

— Veux-tu choisir un gâteau, mon petit ami…

À quoi Nil répondit :

— Merci, ma petite amie, je n’ai pas faim…

Ce fut dans la pâtisserie, un éclat de rire que Nil ne partagea pas. Il resta sérieux, les lèvres serrées, dans une dignité imperturbable. Sa mère, un peu gênée, lui fit remarquer qu’on ne devait pas répondre avec au­ tant de familiarité à une dame, mais Nil regarda sa mère sans un sourire et sans un mot. Quand ils furent sortis du magasin, le jeune garçon retrouva sa langue.