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marthe fiel

Rarement, Nil jouait avec des compagnons de son âge. Il détestait les jeux bruyants et préférait regarder les hommes travailler de leur métier.

Il faisait de longues pauses chez le maréchal-ferrant, et les gerbes d’étincelles qui jaillissaient de l’enclume le séduisaient :

— On dirait un feu d’artifice… Ah ! si on pouvait recueillir ces étincelles pour chauffer les pauvres pendant l’hiver, ce serait une belle invention…

Il méditait sur ce problème, mais ne pouvait le résoudre.

De là, il allait chez le serrurier, et quand il voyait une clé se façonner entre les doigts habiles, il n’en pouvait plus d’admiration.

Quand il fut plus âgé, il ne tarissait pas d’éloges sur ces mains laborieuses, aux gestes si précis, et il disait à sa mère :

— Aussi jeune que j’étais, je ne pouvais m’empêcher de m’extasier sur ces mains merveilleuses, aux mouvements si sûrs. Les doigts saisissaient les clous avec une légèreté incomparable. Le marteau, d’un coup vif, retombait, et le clou s’enfonçait, bien droit. Le cordonnier, aux mains pleines de poix, paraissait un tout autre homme quand il manipulait la chaussure à ressemeler. Il la tournait et la retournait, et cela ressemblait à un envol. Le cuir qu’il coupait devenait docile et souple et pas une erreur ne se commettait dans son calcul… Oh ! ces mains qui hantaient mon cerveau d’enfant ! Quel que fût l’ouvrier que je regardais, ses mains me paraissaient prestigieuses et semeuses de miracles.

Quand le menuisier glissait son rabot sur le bois rugueux, les copeaux tombaient, légers comme des