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l’ombre s’efface

— Non, parce que s’il semble, au premier abord, dangereux ou excentrique, la suite me prouve que j’ai eu raison.

— Je n’aurais jamais cru que vous rattachiez une suite à vos actes, tellement je vous connais impulsif.

Mme de Sesse disait ces choses plaisamment. Hervé était debout devant nous, avec une tasse de moka. Ma voisine se leva pour répondre à une question de M. de Gritte qui causait avec son beau-frère et Jacques, à l’autre bout du salon.

Hervé s’assit vivement près de moi en murmurant :

— Vous êtes ravissante. Ce bleu vous va délicieu­sement.

Ces compliments m’embrasaient le visage, mais je répondis avec une intonation moqueuse :

— Vous êtes rompu aux phrases élogieuses !

— Ne le croyez pas, riposta-t-il avec force, en pre­nant un air malheureux. Il y a bien longtemps que je n’en ai dit autant à une femme. Il faut que ce soit vous pour que j’oublie Janine.

Hervé avait la faculté de se composer des aspects divers. Ses traits se façonnaient selon les paroles qu’il prononçait. Sa volonté de persuasion prenait des expressions multiples. Pour le moment, je le trou­vais attendrissant. Ses yeux si bleus me regardaient bien en face et je me disais que ce jeune homme ne pouvait qu’être sincère.

— Vous l’aimiez profondément, votre petite Janine ?

— Follement.

— Je suis persuadée, d’ailleurs, que vous ne pour­riez rien faire autrement que follement !

— Vous avez raison. Vous me comprenez, et tant de gens ne me comprennent pas ! Je cherche un cœur qui prenne ma nature comme elle est, avec ses fan­taisies. Tout de suite j’ai pensé que je pouvais avoir confiance en vous.

— Ce sont de bien belles choses que vous me dites, mais je vous trouve un peu rapide dans vos appré­ciations !

— En quoi ? interrompit-il avec vivacité.

— Dans vos jugements, parce que vous ne me con­naissez pas, puis par vos déclarations intempestives.

— Oh ! si légitimes !