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l’ombre s’efface

— Oh ! Jacques, je vous en voudrais beaucoup s’il vous arrivait une fantaisie extra-conjugale !

Cette riposte eut le don de déchaîner un bon rire de mon époux.

— Soyez en paix, me dit-il, et pour en revenir aux rapports entre les de Sesse, je me figure plutôt que la disparition de leur enfant a laissé chez cette pauvre mère une empreinte très profonde que son mari cherche à effacer.

— C’est possible ! répliquai-je avec indifférence.

Jacques reprit après un moment :

— Personne d’autre n’était avec vous ?

— Hervé de Gritte est venu, alors qu’on ne l’attendait pas.

— Ah !… Et il a été aimable ?

— Je le trouve étrange, dis-je avec une voix sourde.

— Dans quel sens ?

— C’est difficile à exprimer. Il paraît doux, mais par moments une violence éclate dans ses gestes et ses paroles. Puis, il avance des choses qui sont le contraire de la logique. Pour tout dire, je le crois un peu déséquilibré. Mon opinion est peut-être erronée.

Je disais ces phrases, les yeux sur l’ouvrage que je tenais. Quand je relevai la tête pour regarder mon mari, je fus effrayée de voir son visage décomposé.

— Qu’avez-vous ? m’écriai-je.

— Je suis désespéré de deviner que je suis sans doute la cause de ce déséquilibre de mon ami.

Je ne pus trouver une réponse immédiatement. Je venais de comprendre que mon mari se jugeait responsable plus que de raison du manque de bon sens d’Hervé. J’avais commis un impair. J’essayais de l’adoucir :

— Vous êtes trop scrupuleux, mon cher Jacques, et je crois que vous connaissez assez mal le caractère d’Hervé. M. de Sesse ne m’en parlait pas favorablement. Il lui faisait l’effet d’un loup et votre chère petite sœur, d’un agneau. Sans doute avait-elle un grand ascendant sur lui et se montrait-il sans défaut, quand il était auprès de sa mignonne fiancée. Je n’ai pas besoin de vous apprendre que quelques femmes ont un pouvoir magique sur certains hommes.