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l’ombre s’efface

Tout de suite je fus serrée dans des bras affectueux, ce qui dispensa Jacques d’une réponse.

L’après-midi que je me promettais solitaire fut brusquement embelli par la visite de Mme Saint-Bart. J’en fus agréablement surprise. Elle entra avec un parfum d’air frais, et son visage gai paraissait tout amical.

— Bonjour, petite madame. Quel joli teint ! Je ne vous demande pas de vos nouvelles : vous ressemblez à une rose qui vient d’éclore.

— Vous êtes trop aimable, et j’allais vous adresser le même compliment.

— Hum ! je suis une rose d’arrière-saison !

— Elles n’en sont que plus agréables.

— Arrêtons-nous sur cette route de compliments, sans quoi nous deviendrions vaines comme des paons.

Mme Saint-Bart choisit un fauteuil moelleux et s’y installa, puis s’écria :

— Que l’on est bien chez vous !

— J’en suis ravie. M. Saint-Bart se porte bien, ainsi que M. de Gritte ?

— Mes trois hommes sont en excellent état. Mon frère a rajeuni depuis qu’il a retrouvé Jacques. Il a des projets pour cent ans ! Vous avez passé un bon après-midi, hier, chez Mme de Sesse ? ajouta-t-elle sans transition.

— Oh ! parfait ! Cette dame est bien charmante ; j’ai beaucoup de sympathie pour elle, bien que je ne la connaisse que peu.

— C’est réciproque, d’après ce qu’elle m’a dit. C’est une malheureuse femme qui s’attache aux jeunes filles ou aux jeunes femmes qui pourraient avoir l’âge de sa fille.

— Elle paraît bien affectée encore par cet événement. Le temps ne me semble pas avoir adouci son désespoir.

— Vous avez raison. Elle est restée mortellement triste depuis cette disparition qui nous a toujours étonnés.

— Pourtant il n’y a rien de surprenant à la mort d’une enfant de quelques jours. Bien des mères, mal­heureusement, ont vécu ces drames.

— C’est bien certain, mais dans le cas des Sesse,