Page:Fiel - Le Sacrifice et l'Amour, paru dans l'Écho de Paris du 3 février au 7 mars 1934.djvu/126

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— Vas-tu mieux ? s’enquit Bertranne… Je vois que tu te remets… Qu’as-tu ressenti ? Un peu de vertige ? Cela provient de l’estomac, sans doute. Je vais te tenir en observation dorénavant.

Christiane sourit faiblement. Elle se surprenait aussi à être ironique. Bertranne lui avait toujours produit l’effet d’une femme supérieure. Ses raisonnement, son expérience de travailleuse lui en imposaient, ainsi que son allure indépendante. Ce soir, elle la trouvait si peu perspicace, qu’elle l’aurait raillée, si le désespoir ne l’avait anéantie.

Elle écouta ses conseils avec une hâte de la voir partir, pour être seule pour réfléchir sur ce nouveau déchirement.

Elle comprenait que si Robert Bartale avait eu cet air heureux en apercevant Bertranne, c’est parce qu’il portait en soi la lumière de son amour.

Il était de ceux dont la pensée se trahit sur les traits. Son bonheur se répandait et sa bienveillance atteignait ceux qui l’entouraient.

Comment avouer à Bertranne la laborieuse, sans moyens d’existence, dont le seul rayon était cet amour, qu’elle, Christiane, aimait aussi cet femme ?

Enfin l’étudiante s’en alla. Il était vingt-deux heures, et Christiane, à bout de forces, retomba dans sa bergère, les yeux clos, avec une plainte aux lèvres.

Si son caractère eût été égoïste et sec, cette circonstance inattendue n’eût pas fait question. Elle aurait