Page:Fiel - Le fils du banquier, 1931.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bodrot et sa fille se trompaient. Ce départ n’était qu’une coïncidence qui servait Gérard. Au moment où il voulait partir, la Providence lui en fournissait le moyen.

— Il faudra que je me hâte de rapporter mon travail chez Mme  Alixin, afin que je sache au juste ce qui s’est passé…

A ce moment, Plit sonna.

Les deux jumelles se précipitèrent pour lui ouvrir, et en voyant leur accueil fraternel et joyeux, le cœur du jeune ouvrier se desserra. En montant les étages, il avait soudain craint une défaite.

Il salua Mathilde d’un air un peu vainqueur dans l’excès de sa joie. Elle comprit son angoisse et la détente qu’il venait de subir et elle s’écria en riant :

— Germain Plit, je ne veux pas de vous pour mari… vous avez déjà un aspect dominateur !

Tout de suite, le visage de Plit redevint plein d’effroi et il balbutia :

— Je serai ce que vous voulez que je sois…

— A la bonne heure !… riposta-t-elle en lui tendant sa main franche… on s’entendra toujours, du moment que chacun y mettra du sien… A partir de ce soir, vous êtes mon fiancé…

— Merci, Mademoiselle Mathilde… Merci, patron…

— Vous avez ce que vous méritez, Plit…

— Mon petit papa, dis-nous quelque chose de beau qui serait comme une bénédiction…

Mathilde s’agenouilla devant le fauteuil de paille où Bodrot s’adossait tout ému.

— Ma fille… ma petite fille… balbutiait-il, attendri.

Il lui était profondément douloureux de voir son aînée s’envoler vers un autre nid. Il pensait à sa compagne si rapidement enlevée à son affection et il regrettait qu’elle ne fût plus là pour jouir de la belle âme de ses enfants.

Mathilde lisait dans ses pensées, et à ce moment grave elle pleurait doucement, durant que les jumelles, troublées, penchaient leurs jolis fronts en se donnant la main.

Germain Plit ne put que s’agenouiller à côté de sa fiancée. Ses réflexions allaient vers sa mère et il se disait :

— Quand je raconterai cette scène à maman, elle sera heureuse… Elle ne pourra pas dire que les jeunes gens d’aujourd’hui se fiancent comme des étourneaux… Mathilde est raisonnable et elle sera la sauvegarde de notre foyer…

Cependant, le patron Bodrot avait posé ses mains sur la tête des deux jeunes gens et il leur parlait :

— Mes enfants, je suis content de vos accordailles. Que Dieu vous protège et ne cesse de vous garder…

Plit, tu auras là (il le tutoyait comme un fils) une femme