Page:Fiel - Le fils du banquier, 1931.djvu/113

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Mlle  Laslay se cachait ainsi de son amie Mme  Alixin. C’est que la pauvre Denise, dans son cœur ulcéré, avait la pudeur de son chagrin, et ne se sentait pas encore assez ferme pour parler avec détachement de la rupture de ses fiançailles. Il lui venait aussi que ce serait une atteinte à sa fierté.

Et, dans les circonstances qu’elle venait de découvrir, elle jugeait que ce silence était un enseignement de la Providence… Gérard n’eût-il pas été blessé de se montrer sous la tenue d’un simple ouvrier ?

Denise ne connaissait pas encore assez la vie pour voir la réelle beauté d’une pareille acceptation. Elle avait cependant entendu ses frères vanter le mépris de l’opinion publique… Mais alors, cela ne la concernait pas, et elle ne souffrait pas pour la fierté d’un autre.

Elle se réservait d’expliquer le tout à Mme  Alixin un peu plus tard. Aussi bien fallait-il que l’attitude de Gérard fût pleinement justifiée devant la femme du professeur.

Pour le moment, Denise, l’esprit bouleversé par ces événements, ne pouvait qu’admirer que Mathilde eût été conduite miraculeusement vers elle.

L’après-midi, elle ne perdit pas de temps pour se rendre chez Mlle  Bodrot.

Elle arriva devant l’immeuble modeste et parvint vite au logement où le nom de Bodrot s’étalait sur une plaque de cuivre.

Elle sonna, et Mathilde, riante, vint lui ouvrir. Rapidement, elle fit passer sa visiteuse dans la salle à manger coquette qui était la pièce de réception.

Denise fut tout de suite à l’aise. Un sentiment de sécurité lui vint sur le caractère de celle qui la recevait, ainsi que sur l’issue de sa visite.

Sans préambule, Mathilde lui dit :

— Ah ! Mademoiselle, nous nous sommes comprises… vous venez me parler de M. Gérard Manaut…

Denise, que les événements récents affectaient encore douloureusement, n’avait pas encore repris son énergie habituelle. De savoir que son rêve était connu par une personne qui lui était étrangère sous bien des rapports, fit déborder son âme, et des pleurs coulèrent sur son visage.

Mathilde la contempla un instant et murmura gravement :.

— Vous avez raison de conserver un si grand attachement à M. Gérard, parce qu’il le mérite…

Un peu de confiance revint en la jeune fille et elle s’écria :

— Pourquoi n’a-t-il donné qu’une fois signe de vie et pourquoi s’est-il enfui si brusquement quand il m’a devinée près de lui ?

Mathilde se recueillit un moment, puis elle entreprit de