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marane la passionnée

— Vous êtes une femme, cependant !

— Oui, mais je suis de celles dont on se moque aussi. Je parle avec mon cœur. J’ai souffert.

— Pauvre Mademoiselle !

— Et alors, Madame, que fit votre fils ?

— Comme vous, il a souffert. Il a supplié, prié, menacé, mais sa femme n’ayant pas de pitié, tous ses efforts ont été vains. Il était son esclave, et il supportait les ironies, les persiflages, les cruautés…

— Que les femmes sont cruelles ! interrompis-je, exaspérée. Et ensuite, Madame ?

— Le mouton est devenu enragé. Un matin, il a signifié à sa femme que si elle ne changeait pas d’attitude, il ne pourrait plus rester dans ce foyer qu’elle s’acharnait à rendre odieux.

Mme Descré s’arrêta de parler. J’en voulais savoir davantage.

— Madame, dites-moi ce qui est arrivé, je vous en prie ?

Il faut croire que mon accent était persuasif, parce que Mme Descré continua :

— Elle a cru que c’était une menace sans importance, comme les autres. Elle a ri et elle est partie avec des amies. Elle a envoyé le soir un mot à son mari pour le prévenir qu’il ne l’attendît pas pour dîner, que cela ne lui plaisait pas d’être en face de lui ce jour-là.

— Ah ! Ah ! murmurai-je, elle le croyait asservi à jamais ! Il s’est vengé, j’espère ?

— Oui, en quittant la maison.

Mme Descré se tut. Je plaignais « Ned ». Il s’était débattu dans les affres du désespoir, alors qu’il avait été dupe. Que sa femme ressemblait à Jeanne de Jilique ! Il pouvait donc exister des créatures assez basses d’âme pour se jouer des sentiments les plus purs ?

Je demandai :

— Et… elle est morte ?

— Oui, d’une pneumonie en rentrant d’un bal.

— C’est parfait, dis-je froidement.

— Oh !

Les yeux terrorisés de Mme Descré se posèrent sur mes lunettes jaunes.