De quoi aurais-je pu être triste ? Dieu avait posé mon bonheur à ma portée, et je le saisissais avec confiance.
Ce n’était pas une illusion. M. Descré était là, et les paroles que nous avions échangées ressemblaient pour moi à la plus douce des musiques. J’y trouvais des promesses, des serments et un accord de fiançailles.
Ah ! que mon imagination était vive et passionnée !
Le jour était aux rencontres. J’aperçus Mme Descré et j’allai à elle :
— Je vais au-devant de mon fils.
— Il est sur la plate-forme de la Mouette.
— Ah !
Cette mère, sans doute ombrageuse, me décocha un regard méfiant.
Je la bravai, sans réfléchir qu’elle serait ma future belle-mère :
— Oui, nous venons de passer quelques moments ensemble. Nous comprenons la nature de la même façon !
— C’était prémédité, cette rencontre ? dit-elle d’un ton un peu acidulé.
— Nullement. Elle était toute fortuite.
— Le hasard fait bien les choses.
— J’ai trouvé, moi, que la Providence les conduisait encore mieux !
J’avais lancé cette phrase avec une sérénité que m’eût enviée un grand philosophe.
Mme Descré dit :
— Je m’accoutume à vos étrangetés.
— Je vous en sais gré.
Je riais comme si cette conversation était une plaisanterie. Je discernais cependant dans l’attitude de Mme Descré une certaine nervosité.
Je la laissai aller à la rencontre de son fils, en songeant :
« Elle a la divination des mères. Elle pressent le filet que je tends autour de son bien-aimé. »
Quand je rentrai au manoir, maman m’annonça tout de suite :
— Nous passerons deux mois dans le Midi. Je viens d’avoir les réponses d’un hôtel. Nous partirons fin mai.