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marane la passionnée

— Il paraît qu’elle est d’une indépendance et d’une fantaisie déconcertantes.

Hélas ! maman avait raison. Je ripostai :

— Oh ! vous devez savoir, Monsieur, que les jeunes filles ont toujours eu l’avantage d’être un sujet de conversation. Mlle de Caye n’échappe pas à la règle commune, mais elle est hors de soupçon.

— Comme vous êtes bonne et charitable, Mademoiselle. Ce n’est pourtant pas ce que l’on dit ; il me faut toute la confiance que j’ai en vous, et aussi mon amour de la vérité et de la justice, pour vous parler ainsi. Mlle de Caye est, paraît-il, étrange et cruelle, elle a des tendances assez vulgaires, et elle s’est enfuie d’un couvent où on l’avait enfermée pour la mater.

— Oh ! oh ! j’ignorais ces détails.

Je murmurai ces mots d’un accent défaillant. Mon beau rêve s’en allait-il à la dérive ? J’avais eu raison de n’avoir pas été modeste. Ma déception était effrayante et il me fallut une volonté d’airain pour ne pas me justifier en révélant instantanément à M. Descré qui j’étais.

Toute ma conduite désinvolte se retournait contre moi, mais amplifiée avec méchanceté.

J’eus le beau courage de ne pas me trahir.

— Par vous, Mademoiselle, qui devez la bien connaître, nous saurons, ma mère et moi, si ces informations sont erronées.

— Elles le sont, Monsieur !

J’avais prononcé ces mots gravement, avec un tel accent de conviction que M. Descré m’examina quelques secondes sans parler.

— Il est pitoyable alors, reprit-il, que la réputation d’une jeune fille soit ainsi abîmée. On ajoute encore qu’elle s’est compromise avec un jeune valet de ferme qu’elle voulait épouser. Il est malheureux que la descendante d’une noble et ancienne famille ait oublié à ce point ce qu’elle devait à l’honneur des siens.

« Je trouve douloureux de constater qu’une belle jeune fille, car il paraît qu’elle est belle et intelligente, n’ait pas pensé à faire un meilleur usage de ses dons.