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marane la passionnée

et Sidra empoigner mes nattes. Il avait eu très peur, parce qu’il manquait d’habitude de ce spectacle, de voir abîmée une si belle chevelure.

J’exultais. Pendant qu’il parlait, il jetait un regard admiratif sur mes cheveux blonds, puis, l’espace d’une seconde, il posa ses yeux noisette sur mes yeux verts.

Il tressaillit alors comme un homme qui se réveille.

Maman prononça quelques mots concernant Jeanne.

— Cette pauvre enfant a été vite enlevée.

Je remarquai la pâleur de M. de Nadière. Il répondit d’une voix rauque :

— Très vite.

Je plaçai :

— Tu sais, maman, M. de Nadière a beaucoup souffert. Jeanne a été envers lui comme elle a été envers moi, sans pitié.

Ma mère était devenue rouge et Renaud semblait embarrassé.

Je poursuivis :

— Il est complètement inutile de prendre cet air décontenancé. Je dis ce qui me paraît juste.

Un sourire fugitif éclaira le visage de M. de Nadière, tandis que maman prononçait sévèrement :

— Une jeune fille ne doit pas s’exprimer aussi librement. De plus, il faut avoir de l’indulgence pour ceux qui ne sont plus et ne peuvent se défendre.

— C’est entendu, répliquai-je d’un ton lassé, mais il faut de la justice en tout. M. de Nadière a été malheureux, je le répète, et il mérite d’avoir une femme meilleure pour l’avenir.

— Marane !

C’était ma mère qui poussait ce cri de stupeur, d’indignation tout ensemble.

Quant à Renaud de Nadière, il restait figé sur son siège, comme un homme mécanique.

Avant que je pusse reprendre la parole, il disait :

— Je ne me remarierai pas !

Je sautai sur mes pieds. Il me semblait que le toit s’écroulait sur ma tête.

Je criai, hors de moi :