— Ce matin ! L’aube commençait, je n’ai prévenu personne.
— Ce sera du joli dans la maisonnée Jilique ! Que va-t-on penser de Mlle de Caye !
— Ce sera fameux quand tous les alentours se chuchoteront que le comte de Caye s’enivre !
Évariste réprima un mouvement.
— Écoute, Évariste, il faut que tes habitudes cessent ! Ce Chanteux te veut du mal, sans quoi, il t’aurait renvoyé à tes études.
— Elles coûtent cher, et il vaut mieux que j’apprenne à exploiter nos terres.
— Tu t’y prends mal.
Mon frère rougit et il répliqua :
— Ce n’est pas à toi à me faire la morale.
— Je ne pense pas à faire la morale, je suis si malheureuse !
Et avec des pleurs dans la voix, je racontai ma misère.
— Tu comprends, je voulais goûter du même bonheur que toi. J’ai vécu quelques jours enchantés. Et toi ? As-tu donc oublié ton ami ?
Mon frère fit un signe affirmatif.
— Tu l’aimais donc moins que tu ne le pensais ?
— C’est Chanteux qui m’a persuadé que je devais tout abandonner pour vivre ici.
— Alors, Chanteux va tout diriger, même nos cœurs ?
— Il est charmant. Jamais je n’aurais cru qu’il possédait autant de délicatesse.
— C’est un homme fourbe ! criai-je avec force. Quel but poursuivait-il en m’éloignant de la maison, et en te corrompant ?
Évariste me contemplait, pétrifié.
— Écoute, mon frère, il faut absolument que tu poursuives tes études. Tu ne peux jouer le jeu de Chanteux et rester à t’abêtir dans un vice honteux.
— Je suis bien de ton avis, se rendit-il, éclairé subitement par un instinct providentiel. Moi qui ai l’horreur de cette abomination, je ne puis comprendre ce qui m’est arrivé.
— Il y a un mystère.