reprochait, en prenant Jean-Marie comme « amie ». Je ne me dis pas qu’il était presque un jeune homme. Il avait quinze ans.
Qu’importait la différence de nos milieux ? N’avais-je pas appris dans mon catéchisme que tous les hommes sont égaux ?
Le bon cœur de Jean-Marie m’était garant de sa sincérité. Pourquoi ne serait-il pas mon « amie » ? J’étais sûre qu’il m’aimait. Sa joie était toujours très vive dès qu’il m’apercevait. Je dis devant sa mère :
— Jean-Marie, sais-tu ce que c’est qu’un ami ?
— Bien sûr ! répliqua-t-il en riant. C’est un bon camarade avec qui on se promène et on bavarde à cœur ouvert.
Cette définition me plut autant qu’elle me surprit. Je trouvai de la finesse à Jean-Marie.
— As-tu un camarade de cette espèce-là ? lui demandai-je.
— Oh ! non. Je trouve que la plupart des garçons sont rudes. Je voudrais pourtant bien en fréquenter un, mais il me le faudrait un peu plus tranquille.
— C’est un doux, expliqua la fermière ; il aime lire.
Toute la psychologie de la mère s’arrêtait là. Un doux signifiait un gars tranquille, aimant lire.
Je répliquai joyeusement :
— J’ai cherché une compagne, moi aussi, et je n’en ai pas trouvé… Veux-tu être mon ami, Jean-Marie ?
Le jeune garçon tressaillit et une rougeur envahit son visage, tandis que sa mère, me regardant, répondait avec volubilité :
— C’est de l’honneur que vous lui faites, Mam’zelle ; il a déjà beaucoup d’amitié pour vous, et il sera un bon compagnon.
Les yeux de la fermière riaient. Sa bouche se tordait dans tous les sens, pour cacher le trop-plein de sa joie. Je ne savais pas pourquoi ma question si naturelle provoquait de telles réactions.
Jean-Marie n’osait plus me parler. Maintenant il était pâle.
— Alors, c’est entendu, dis-je.
J’étais contente, bien qu’un peu contrainte. Je m’avisai, un peu tard, que j’avais été vite.