Son teint jaunâtre verdit. Il se mordit les lèvres, mais il riposta cruellement :
— Vous vous êtes tout de même compromise ! Ce sera dur de vous marier.
Je tressaillis. L’avenir me parut sinistre.
— Qu’est-ce que cela peut vous faire ? criai-je.
— Je tiens au renom de votre maison.
— En enivrant mon frère ?
Ses yeux devinrent terribles.
— Vous me payerez vos insultes ! vociféra-t-il.
— Vous avez commencé…
— Vous serez tous pris dans l’engrenage, de gré ou de force.
Sa fureur se lisait sur ses traits. Il cria :
— Ce que je veux, je le veux bien !
— Moi aussi ! répliquai-je.
Nos regards devenaient aigus comme des épées.
Soudain, les manières de Chanteux changèrent ; elle devinrent cauteleuses. Il reprit :
— Nous montrons le même caractère… nous nous emballons sur des riens.
Le même caractère ! Seigneur Dieu ! Je retins ma langue pour ne pas augmenter le nombre de mes insolences. Je me souvins que maman m’avait conjurée d’être patiente. Je me forçai à sourire pour abuser le régisseur et je répondis :
— C’est possible…
— Faisons donc la paix, conclut-il.
Il me tendit la main, mais pour ne pas la prendre, je lui désignai les chiens :
— Ils croiraient que vous m’attaquez…
Il rit gauchement et me conseilla :
— Réconciliez-vous aussi avec Jean-Marie. Il a de la peine, depuis que vous le tenez à distance. Il a dédaigné les compagnons de son âge, depuis qu’il était promu ami de la châtelaine.
— C’est entendu… acquiesçai-je en me sauvant.
Je ne pouvais plus contraindre ma rage. Je me reprochais ma lâcheté. J’aurais dû, de ma cravache, zébrer le visage de cet homme.