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Page:Fiel - Mon erreur, paru dans La Croix du 22 mai au 14 juillet 1949.djvu/91

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cumulais argument sur argument en faveur de ma défection. Je me sentais revivre, j’étais aérienne, et je me traitais de stupide créature de vouloir être héroïque.

Ce fut remplie de ces dispositions que j’atteignis le moment du dîner. Ma mère observa, quand je la rejoignis dans la salle à manger :

— Tu as reconquis ton air allègre, j’en suis enchantée. Ton visage éteint finissait par m’inquiéter.

— Oui, je me suis reprise. On passe parfois des heures bizarres à voyager avec des chimères.

— Je te croyais plus positive.

— Hélas ! ce sont les circonstances qui changent les états d’âme.

Maman me regarda, non sans étonnement. Elle m’avait presque toujours vue avec le rire aux lèvres. Mes réflexions, débitées sur un ton lassé, la déroutaient.

Un malaise m’envahit de nouveau, mais sans durée. Ma décision s’affermissait ; je manquerai le rendez-vous de la Tourmagne.

Mes frères rentrèrent, puis papa, mais un papa si las que mon cœur se fondit d’attendrissement.

— Oh ! père, qu’as-tu ? Tu es souffrant ? Oh ! dis vite !

Je tenais papa par le cou et j’épiais anxieusement ses traits, qui me paraissaient si défaits que j’avais du mal à retenir mes pleurs.

— Ce n’est rien… Ce n’est rien…

— Tu as été renversé par une auto ?

— Mais non…