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on ne peut y revenir pour s’y attarder. Les regrets sont donc superflus. Vous m’avez dit que je devais me débrouiller, et je m’arme pour vaincre.

Mme Vital était pétrifiée. De telles paroles chez une jeune fille frondeuse, qui se moquait de toute obéissance, lui paraissait un miracle. Elle avait souvent prié Dieu pour que sa fille changeât. Elle était exaucée, mais à quel prix ! Logée dans un quartier sans élégance, dans une maison sans attraits, elle subissait la pénitence avec moins de cran que sa fille qui semblait s’amuser de cet ensemble, à moins qu’elle ne cachât son chagrin pour ne pas alarmer ses parents.

— On dîne ? s’écria M. Vital.

— Je crois bien ! riposta sa femme.

Aubrine s’élança pour s’occuper du couvert, alors que Mme Vital disparaissait dans la cuisine, qui était aussi petite que possible.

— Heureusement que maman sait préparer quelques plats, dit Aubrine à son père… Il faudra que je m’y mette aussi. D’ailleurs, je vous ai déjà fait une omelette aux croûtons.

— Et très bonne. Je le déclare à la face de tous les gourmets de la terre.

— Je n’en tire aucun orgueil… les œufs étaient frais et le beurre excellent. Casser des œufs m’est déjà arrivé dans un pique-nique où j’étais préposée à l’omelette. Là-bas, elle était au rhum, et je ne jurerais pas que les garçons n’étaient pas un peu gris.

Le dîner eut lieu dans une atmosphère sereine. Mme Vital, elle-même, reprit son humeur paisible parce qu’elle se disait : Si je vois ma petite fille dépérir d’ennui, il nous sera facile de lui révéler notre subterfuge.

Sur cette résolution, elle mangea de bon appétit le repas qu’elle avait savamment préparé. Son mari l’en félicita avec d’autant plus de sincérité qu’il fit honneur aux mets offerts.

Le lendemain, Aubrine se leva plus tôt que d’habitude, ne voulant pas être en retard. Ses parents étaient encore dans leur chambre quand elle entra dans la cuisine pour son déjeuner. Perplexe, elle regarda les casseroles, mais cette hésitation fut de courte durée. Elle s’occupa du déjeuner, qui était simple : faire bouillir du lait et le mêler à du chocolat fondu la veille. Elle opérait adroitement ce mélange quand sa mère survint en s’écriant :

— Ma pauvre petite fille ! quel mal tu te donnes !

— Vous ne vous donnez pas le même, tous les matins, ma mère ? riposta Aubrine.

Ce déjeuner parut amer à Mme Vital, dont les remords