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Aubrine constatait l’émotion du jeune homme et il lui devint tout de suite sympathique. Jamais elle n’avait observé parmi les compagnons de sa vie mondaine une telle expression d’admiration.

Roger paraissait pétrifié. En une seconde, il maudit sa pauvreté, sa situation inférieure. Ah ! être riche, pour se marier avec une jeune fille semblable et la combler de tous les présents du monde !…

Aubrine, cependant, rompit le charme en disant :

— Vous alliez sortir ! Mais introduisez-moi auparavant chez votre mère… Je ne la dérangerai pas ?

— Pas du tout, mademoiselle, elle sera enchantée de vous voir…

Aubrine trouva cette voix musicale. Roger, lui, s’apercevait qu’elle était rauque, mais il fut surpris davantage par la réponse qui lui était venue spontanément. Elle ressemblait à une phrase qu’il avait lue… Il ouvrit la porte devant la jeune fille et la suivit. Il ne pensait plus à sa promenade.

Mme Ritard les vit côte à côte, et elle tressaillit devant l’épanouissement qu’elle constatait chez son fils.

Son instinct maternel ne la trompait pas… Roger venait de rencontrer celle qu’il aimerait.

Elle eut peur… Qui était cette jeune fille ? Quelle était cette famille et que faisait le père qu’elle n’avait pas encore aperçu, pas plus que la mère ?

Son cher enfant allait-il au-devant de son malheur ?

Aubrine parlait avec un air enjoué qu’elle avait habituellement.

— Je suis, venue pour vous dire un petit bonjour de voisine. Vous avez été si aimable de m’indiquer Mme Blanche, qui est maintenant fort gentille avec moi. Elle prétend que je montre du goût, bien que mes points ne soient pas encore bien réguliers.

Elle riait en montrant des dents semblables à des perles. Puis, elle se tourna vers Roger en lui disant :

— Il ne faut pas que ma présence vous empêche de sortir, monsieur…

— Oh ! j’ai tout le temps ! Je ne manque pas d’air en semaine puisque je travaille dans un chantier. Si je sors le dimanche, c’est pour m’empêcher de lire, car j’y passerais des heures…

— Ah ! vous aimez la lecture ?

— Il ne fait que cela ! intervint Mme Ritard. Il faut que je me fâche souvent.

Aubrine ne répondit pas. Elle regardait Roger, et elle ne s’étonna plus de lui voir ce teint pâle et ces grands yeux rê-