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prudence rocaleux

sympathie qui naissait pour elle de la part de ce grand garçon, qui pouvait largement être son fils. Elle lui présentait de bonne cuisine, et il le lui rendait en gentillesses. Elle redoubla de prévenances.

— Vous aimez les paupiettes, M’sieu Jacques ? Il y en a trois pour vous.

— Quelle chance ! s’exclama Jacques qui était bon mangeur… Je ne suis pas souvent aussi gâté.

— Il faut qu’un jeune homme se nourrisse bien. Vous avez besoin de forcir.

Mme Dilaret n’était pas très satisfaite de ces petits colloques qui constituaient des accrocs au protocole ; mais elle se disait qu’il fallait bien que cette isolée s’associât un peu à la vie de famille.

Quand le trio fut installé dans le petit salon pour la minute du café, M. Dilaret se tourna vers sa femme pour lui dire :

— Il me semble que Prudence empiète déjà sur vos prérogatives ?

— Je ne sais comment elle s’y prend, répliqua vivement Mme Dilaret ; mais on est désarmé devant elle à cause de sa faconde d’une naïveté bonasse. Elle a, en même temps, des aperçus si singuliers qu’on l’écoute pour en entendre d’autres… J’avoue que je m’y laisse prendre, alors que je devrais lui imposer silence…

— Ne le faites pas, maman, vous vous priveriez d’un plaisir. Les sources de distraction sont si peu nombreuses, que vous auriez tort de négliger celle-là.

— Nous verrons par la suite ce qui résultera de cette familiarité, répondit Mme Dilaret.

Plusieurs jours passèrent sans que la vie fût marquée d’incidents à retenir.

Prudence effectuait ses courses et revenait