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prudence rocaleux

maison. Quelque chose me poussait, aussi vrai que je le dis à Madame… Quand je me suis vue devant l’immeuble, ça a été plus fort que moi, j’ai grimpé l’escalier, j’ai sonné, et une bonne m’a ouvert. Une brave femme, un peu méfiante comme doit l’être une vraie domestique, qui a bien soin de ses patrons. Elle a un air chaviré, comme vous pensez, le même que j’aurais si on tuait Madame.

— Oh !

— Que Madame n’ait pas peur, la femme d’un juge, c’est sacré ! Mais faut que je pense à la suite de mon histoire, oui, elle a vu que j’étais quelqu’un d’honnête et de comme il faut, et elle m’a conduite vers son maître qu’est un bon jeune homme. Il m’a demandé ce que je désirais…

— J’en aurais fait autant ! Comment avez-vous pu justifier votre présence ?

— Oh ! bien simplement. Pour commencer, j’avais une noisette dans la gorge ; mais quand on a du cœur, on trouve dedans ce qu’il faut. Je lui ai dit que j’avais de la peine pour lui et que je trouverai son assassin. Il a été ému, Madame, à ne pas croire ! Il a enlevé son masque d’homme distingué, m’a serré les mains, et il a pleuré sur mon épaule comme un petit. Vous pensez ! je pourrais être sa mère. Il m’a conduite devant la chambre de son brave homme de papa et m’a dit : « C’est là ! » J’ai eu comme un coup, et j’ai senti que je découvrirais le meurtrier ! Je le lui ai promis. Ah ! si vous aviez vu sa joie ! J’ai compris à ce moment que je pouvais prétendre à toute sa fortune… Oui, j’aurais pu demander deux centaines de mille francs comme un sou, mais je suis modeste. Je pense que la moitié, pour une femme qui n’a rien, c’est déjà bien beau ! À quoi réfléchit donc Madame, avec son front plein de nuages ?