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ÉPREUVES MATERNELLES

Son imagination courut, bondit parmi tous les drames d’enlèvements, de folie, d’obscurs secrets. Une terreur irraisonnée lui vint et elle questionna la nurse.

Celle-ci avoua qu’en effet, la cuisinière ne pouvait se passer un jour de voir les enfants et de leur parler. Elle ne croyait pas qu’elle fût méchante. Cependant, devant son désir de les promener, la nurse s’y était refusée.

Mme Pradon jeta les hauts cris avec défense absolue de permettre cette fantaisie.

Elle s’ouvrit de ces détails à son mari qui lui répondit :

— Si tu as peur d’un enlèvement, renvoie cette femme.

— Elle est si bien sous tous les autres rapports.

— Alors garde-la.

— J’ai peur qu’elle ne fasse mal aux enfants.

— Renvoie-la !

— Tu aimes tellement sa cuisine.

— Garde-la.

Les époux auraient pu continuer longtemps ce jeu qui n’avançait à rien.

Mais l’épouvante, servie par un esprit qui s’occupait surtout des faits divers des journaux, s’ancrait plus profondément en la pauvre Mme Pradon.

Un matin, elle surprit les yeux de Denise si hagards en contemplant Monette, que sa résolution fut prise. Elle renverrait sa cuisinière quitte à regretter ses talents culinaires.

Elle la fit venir dans sa chambre :

— Marie, lui dit-elle sans préambule, je ne puis vous garder.

Denise eut un sursaut, et son cœur battit à se briser.

— Que me reproche Madame ? finit-elle par articuler avec peine.

— Je serai franche. Il me déplaît de vous voir toujours rôder autour de mes enfants.

Denise tressaillit encore et murmura :

— J’ignorais que cela déplaisait à Madame… je pourrais me surveiller dorénavant.

— Je vous ai bien observée… Il y a parfois dans votre regard des lueurs très bizarres et dans votre