Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/158

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d’imaginer un sujet quelconque de conversation ; et pouvoit-il s’en présenter un plus naturel que celui qu’ils choisirent ?

Ils alloient se retirer, quand M. Allworthy, s’éloignant du défunt, avec un sentiment de résignation aux décrets de la Providence, les pria d’entrer chez sa sœur, avant leur départ.

Mistress Blifil avoit recouvré ses esprits, et se trouvoit alors, suivant une expression vulgaire, aussi bien que possible pour sa situation. Nos docteurs, après les politesses ordinaires, s’approchèrent de la malade et lui tâtèrent le pouls, chacun d’une main, comme ils avoient fait au capitaine.

L’état de la femme étoit tout l’opposé de celui du mari. Les secours de la médecine ne pouvoient rien pour l’un, et l’autre n’en avoit nul besoin.

C’est bien à tort qu’on a coutume d’accuser les médecins d’être amis de la mort ; nous croyons, au contraire, que si l’on comptoit les personnes guéries par leur art, et celles qui en sont les victimes, on trouveroit que le premier nombre l’emporte sur le second. Quelques médecins portent même si loin la circonspection que, pour ne pas s’exposer à tuer leurs malades, ils s’abstiennent de leur prescrire aucun remède curatif, et n’ordonnent que ce qui ne peut leur faire ni bien ni mal. Nous en avons entendu plusieurs