Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous lui sauvons ainsi l’ennui d’une lecture dépourvue d’agrément et d’instruction, nous lui fournissons l’occasion d’exercer sa sagacité, en remplissant ces lacunes par ses propres conjectures ; genre de travail auquel les chapitres précédents ont déjà dû le préparer.

Qui ne juge, par exemple, que la perte d’un ami causa d’abord à M. Allworthy ces émotions douloureuses, qu’éprouvent en pareille circonstance les hommes qui n’ont pas un cœur de marbre ? Qui ne juge encore que la philosophie et la religion modérèrent, avec le temps, et dissipèrent à la fin son affliction ? La première lui en montra l’inutilité et la folie, la seconde en condamna l’excès comme injurieux à la Providence, et adoucit en même temps l’amertume de sa peine, par cette consolante perspective qui donne à l’homme ferme et pieux la force de quitter un ami mourant, presque avec le même calme, avec la même confiance de le revoir, que s’il ne partoit que pour un long voyage.

Il suffit aussi d’une médiocre pénétration pour deviner comment se comporta mistress Blifil. Pendant tout le temps que le chagrin doit se manifester par des signes extérieurs, on peut être sûr qu’elle observa scrupuleusement les règles que prescrivent l’usage et la décence, conformant le changement de son visage à celui de ses vête-