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simple théorie. Nous n’avons jamais ouï dire, à la vérité, qu’il en ait fait l’aveu à personne ; mais pour peu qu’on examine sa conduite, on se convaincra que c’étoit sa véritable opinion ; et nous ne voyons que ce moyen d’expliquer les contradictions, qu’on pourroit autrement remarquer dans son caractère.

M. Thwackum et lui ne se rencontroient guère, sans disputer ensemble ; car ils avoient des principes diamétralement opposés. Square prétendoit que la nature humaine renferme en soi la perfection de toutes les vertus, et que les vices de l’ame, comme les difformités du corps, sont une exception à la loi générale. Thwackum soutenoit que le cœur humain, depuis la chute du premier homme, n’est qu’une sentine d’iniquités, et que la grace divine peut seule le régénérer et le purifier. Dans leurs fréquentes discussions sur la morale, nos deux antagonistes ne s’accordoient qu’en un point. Jamais il ne leur arrivoit de proférer le mot de bonté. La beauté naturelle de la vertu, telle étoit l’expression favorite du premier ; le divin pouvoir de la grace, celle du second. Square jugeoit de toutes les actions, d’après la règle immuable de la justice et l’éternelle convenance des choses ; Thwackum décidoit tout d’autorité, s’appuyant sur l’Écriture et sur ses commentateurs, comme l’a-